2011, Capitol Records
La dernière fois que j'ai été vraiment emballé par du « poum poum tchac » pastoral pour guitare folk et harmonica, c'était en découvrant ce chef d'œuvre de Neil Young qu'est Harvest. D'ordinaire, je me sens étranger à la culture folk et country de l'Amérique profonde – ce qui est somme toute normal pour un banlieusard franchouillard – et les nombreux groupes qui évoluent dans cet univers me laissent le plus souvent indifférent. Mais ça, c'était avant de croiser la route de The King Is Dead (1) des Decemberists, qui réussissent à me faire aimer le folk pour la deuxième fois de mon existence. Sans occulter le talent de ses acolytes, il faut reconnaître que le fondateur et auteur-compositeur du groupe, un certain Colin Meloy, a le génie de la bonne chanson populaire. Car quel que soit son style, une bonne chanson a des qualités intrinsèques, largement indéfinissables mais tapies dans la mélodie, le tempo, l'orchestration et les paroles, qui conquièrent instantanément le cœur du commun des mortels. Il n'est que d'écouter des titres aussi enthousiasmants et fédérateurs que Don't Carry It All, Calamity Song, Down By The Water ou This Is Why We Fight, composés pour guitare, banjo, violon, harmonica et accordéon, pour comprendre qu'ils fonctionneraient aussi bien s'ils quittaient le feu de camp et allaient frayer avec le bitume électrique du rock. Certains morceaux en sont d'ailleurs très proches par leur orchestration (This Is Why We Fight) et Peter Buck – le guitariste de REM, qui existait encore à l'époque – a été invité à gratter des cordes sur trois chansons. J'avais déjà eu l'oreille dressée par la qualité d'écriture et d'orchestration d'autres albums des Decemberists, sans toutefois y trouver le souffle, l'évidence et le panache des œuvres capables de voir s'ouvrir les portes de l'intemporalité. Je ne sais pas si celui-ci y parviendra au-delà de son succès commercial, mais ce ne serait que justice.
2 septembre 2023
(1) Pure spéculation de voir dans ce King Is Dead un clin d'œil amical ou respectueux à l'album The Queen Is Dead des Smiths ? Peut-être, mais il faut aussi avoir à l'esprit que Colin Meloy voue une grande admiration à Morrissey, au point d'avoir consacré la totalité de son premier enregistrement en solo à des reprises du chanteur britannique (Colin Meloy Sings Morrissey, 2005, auto-production).
Studio de la télévision OPB à Portland (Oregon, États-Unis), le 19 janvier 2011.
Vidéo éditée par David Kabot.
2011, Capitol Records.