2015, Pinkflag
Il est des musiciens que l'on respecte sans nécessairement apprécier tout ce qu'ils créent. Il arrive aussi que des œuvres touchantes soient produites par des personnes méprisables. Il est enfin des artistes que l'on aime et respecte à la fois. Dans ma perception musicale tout émotionnelle, Wire se range dans cette dernière catégorie. À l'époque de cet album éponyme, les membres du groupe sont tous de solides vétérans soixantenaires – à l'exception du nouveau guitariste Matthew Simms, dont la longueur des cheveux est inversement proportionnelle à son âge. Et comme à leur habitude, ils continuent d'avancer plutôt que de regarder en arrière. Autrement dit, ils explorent encore et toujours les coins et recoins de leur démarche musicale sans se reposer sur leurs lauriers, un peu comme Isaac Asimov cherchait tous les paradoxes possibles à ses propres lois de la robotique. Nous sommes donc toujours dans l'univers d'un rock généralement répétitif dont le timbre dominant reste dans les médiums pas trop gais. L'originalité et la force de Wire tiennent à ce parti pris de déployer des chansons sur un accord unique, deux à la limite. Pour autant, aucun des titres de cet album ne ressemble à l'autre. Tantôt l'accent est mis sur la transe de la répétition, tantôt sur la diversité mélodique qui peut fort bien se trouver à partir de presque rien – pour peu qu'on s'en donne la peine. De l'entraînante mélancolie de Blogging à la marche angoissée de Sleep-Walking, du léger et presque pop In Manchester au pesant et lancinant Harpooned, le résultat est impressionnant de diversité. Wire ne réussit pas toujours l'exercice difficile qu'il s'impose. Là, il s'est carrément surpassé avec un album totalement bluffant d'intelligence, de créativité, de technique, de sensibilité et, au final, de modernité – sauf peut-être pour le titre, je vous l'accorde.
24 septembre 2022
Studios de la radio KEXP à Seattle (Washington, États-Unis) le 13 novembre 2013.
Vidéo éditée par KEXP.
2015, Pinkflag.