1978, Virgin Records
Howard Devoto aurait pu laisser une empreinte honorable dans le punk s'il était resté avec les Buzzcocks. Mais voilà : avant même que le groupe ne sorte son premier album, le chanteur était déjà déçu de la forme d'embourgeoisement qui avait gagné le mouvement punk – « un vieux chapeau propre », déplorait-il. Aspirant à un rock « moins traditionnel », il a donc fondé le groupe Magazine. Il n'est pas certain que ce choix ait été commercialement très rentable, mais au moins a-t-il permis à Howard Devoto d'accéder à la postérité grâce aux premiers enregistrements composant Real Life. Aujourd'hui encore, cet album emblématique du post-punk (ou new wave, en bon français) fait partie des incontournables d'une discothèque idéale, y côtoyant Joy Division et Siouxsie And The Banshees dans le club des défricheurs d'un rock tout aussi rageur que le punk mais nettement plus monastique, râpeux, audacieux et habité, sinon tourmenté (1). Dès le premier titre Definitive Gaze, le ton est donné : une ligne de basse sautillante, la présence d'un synthé, une rupture dissonante au piano en guise de pont et un chant ouvertement maniéré mais capable de refrains répétitifs aussi simples que fabuleux (Burst). La guitare alterne quant à elle les petits motifs mélodiques (My Tulpa), les riffs d'enfer telle la montée qui signe Shot By Both Side (2), des solos concis et précis (Burst, Motorcade) ou encore des rythmiques en accords plaqués (Motorcade). Bien que les clins d'œil au duo berlinois Kurt Weill-Bertolt Brecht ne soient pas ce que je préfère généralement dans le rock (3), peut-être est-ce malgré tout The Great Beautician In The Sky qui culmine dans cet album, aux côtés du génial grain de folie qu'est Motorcade : après une chanson à trois temps digne d'un Opéra de quat' sous des années 1920, ce morceau revient aux quatre bons vieux temps pour mieux prendre son envol vers des sommets mélodiques et orchestraux aussi enthousiasmants qu'entêtants.
6 juin 2023
(1) Le guitariste John McGeoch rejoindra d'ailleurs Siouxsie And The Banshees en 1979.
(2) Une idée apportée par l'ancien compère d'Howard Devoto, le guitariste Pete Shelley des Buzzcocks.
(3) Il me semble que ce sont les Doors qui, dans leur tout premier album The Doors (1967), ont initié dans le rock cette redécouverte de la scène musicale berlinoise de l'entre-deux guerres, avec la chanson Alabama Song, écrite par Bertolt Brecht et mise en musique par Kurt Weill en 1927 pour un court opéra intitulé Le petit Mahagonny.
Berlin (Allemagne), 30 octobre 1980.
Vidéo éditée par vdgg 23.
Clip vidéo de Virgin Records (1978)
Vidéo éditée par MagazineVEVO.
1978, Virgin Records.