1972, Island Records
Le rock progressif a mauvaise réputation. Ricanements moqueurs des tenants du « vrai » rock, yeux au ciel de la part des gardiens du temple de la musique classique, agacement face à une débauche de dextérité servant moins la musique que l'ego des musiciens. Sans oublier la longueur insensée de certains morceaux, l'accumulation ostensible d'instruments et d'effets par les guitaristes et claviéristes – les batteurs n'étant d'ailleurs pas en reste, disparaissant presque complètement derrière leur empilement de fûts et de cymbales. Enfin, dans les cas les plus sévères de toute cette outrance, il faut mentionner l'incapacité de ces virtuoses à rejouer leurs albums sur scène, sauf à considérablement les simplifier. Cette caricature pourrait faire sourire ceux qui se rappellent le mélange d'audace et de délicatesse des premiers albums de Genesis, Yes ou King Crimson. Malheureusement, il n'y a pas de fumée sans feu et une telle caricature a réellement existé, notamment avec le trio Emerson, Lake & Palmer. Il est vrai que leur album Trilogy a connu un grand succès à sa parution (1972), preuve que leur style à la fois potache et prétentieux ne laisse pas insensible une partie du public. Il est vrai aussi qu'ils ont tellement bidouillé cet album à grand renfort de « re-re » (overdubs) qu'ils ont dû renoncer à en jouer les trois pièces de résistance sur scène. L'on peut certes trouver à s'amuser du côté farce de l'ambiance western dans The Sheriff et Hoedown (1), mais c'est avant de pousser un grand soupir de désespoir en écoutant ces bravaches s'essayer au boléro façon Maurice Ravel. En tout cas, voilà bien un album ni fait ni à faire qui n'a pu que donner raison aux critiques les plus acerbes du rock progressif !
29 juin 2025
(1) Ce dernier morceau est une adaptation du thème endiablé et archi-connu Hoe-Down, dans le ballet Rodeo composé par Aaron Copland en 1942.
Version originale.
Vidéo éditée par Emerson, Lake & Palmer (compte généré par YouTube).
1972, Island Records.