2003, Saddle Creek
Déroutant, brillant, audacieux, sensible... Les adjectifs se pressent nombreux pour tenter d'exprimer en mots ce que je ressens à l'écoute de cet orgue moche de Cursive. Perdus au beau milieu des États-Unis, dans un Nebraska autrefois sombrement chanté par Bruce Springsteen, ces musiciens s'ingénient à ne rien faire comme tout le monde. Tout surprend dans ces chansons : la construction, l'orchestration, la brièveté ou l'extrême longueur, l'agressivité ou l'infinie douceur. C'est du rock, pas de doute possible, mais passé à la lessiveuse, la centrifugeuse, voire la broyeuse, pour ensuite recoller tout ça dans une forme de patchwork ne ressemblant à rien de ce que l'oreille a l'habitude d'entendre. Des harmonies émouvantes surgissent soudain d'un brouhaha criard ou atonal, dans une sorte de cache-cache permanent entre la beauté et la laideur (Butcher The Song). La cavalcade hallucinée du refrain d'Art Is Hard, les arrangements désaccordés de Bloody Murderer, la douceur plus classique du violoncelle et des guitares aériennes qui introduisent Staying Alive... Sans oublier évidemment cet Everest de rage et de rédemption qu'est A Gentleman Caller. Déclencher une telle avalanche émotive en s'écartant résolument de la facilité est un exploit dont peu de groupes sont capables.
14 novembre 2020
Pomona (Californie, États-Unis), le 25 février 2012.
Vidéo éditée par Moshcam.
2003, Saddle Creek.