1977, EMI
Dix ans après mai 68, la jeunesse française s'ennuyait toujours fermement. Entre variété et disco, le paysage musical radiophonique et télévisuel était aussi désespérant que l'attente d'une gauche au pouvoir. C'est à ce moment-là qu'ont débarqué les quatre de Téléphone, gouailleurs, turbulents, insolents, bruyants, anti-conformistes... Jeunes, quoi. Soir après soir, ils cassaient littéralement la baraque dans les MJC de la banlieue parisienne. Je les ai vus dans un gymnase pourri, je m'y suis fait faucher mon manteau et ai dû rentrer à pied chez moi, en petite chemise par une nuit d'hiver. Cela reste l'un des meilleurs concerts auxquels j'ai assisté. Technique approximative et fausses notes ? Quelle importance ? Ce qui comptait, c'était l'énergie, la hargne, la présence, la sueur, la complicité, la rebellion, l'improvisation, la joie de faire du rock et la joie de partager cette joie avec le public. Et quel rock ! Pour la première fois, on entendait des mots français sonner incroyablement juste et bien sur des riffs à la Stones. Ils savaient tout : le tempo, le son, les standards, la guitare qui claque, les mots qui prennent la cadence, la grisaille ordinaire des vies urbaines. Personne avant eux n'était parvenu à faire du vrai rock en français et le secret s'est perdu après leur dissolution. Trente ans après, je me rends compte que leur premier album n'a rien perdu de sa force. Ne viendraient-ils seulement aujourd'hui qu'ils connaîtraient probablement le même succès.
20 septembre 2008
Paris (France), 1979.
Vidéo éditée par Ina Musique Live.
1977, EMI.