1975, Barking Pumpkin Records
Je connais très mal l'oeuvre de Frank Zappa. Peut-être ai-je toujours repoussé le moment de m'y plonger, effrayé par son ampleur (une soixantaine d'albums studio), son éclectisme et son érudition. Le courage m'a aussi manqué parce que rien de ce que j'en avais écouté ne m'avait suffisamment motivé à faire le grand saut. Que l'homme à la moustache tombante et à la barbichette soit un immense artiste n'y change rien. Le jazz-rock a beau m'impressionner par le talent des musiciens qui parviennent à s'éclater sur de telles cimes techniques, ce plaisir cérébral n'est chez moi jamais devenu émotionnel. Cette taille unique, l'un des albums les plus populaires du monsieur – le dernier à réunir son groupe à célébrités variables, les Mothers of Invention – ne me fait pas changer d'avis. Il n'en demeure pas moins que chaque titre est un véritable monument, subtil Meccano penchant davantage vers le rock ici (Po-Jama People), le jazz-rock là (Inca Roads), la fusion improbable de tout cela et de bien d'autres styles (Andy), la chanson inclassable (Evelyn, A Modified Dog), ou encore vers quelque chose de totalement déjanté (Florentine Pogen, la reprise Sofa n° 2 chantée en allemand). Le plus impressionnant dans l'art de Zappa, c'est qu'il ne perd jamais le contrôle de ce qui ressemble pourtant furieusement à un ballon propulsé à toute vitesse en zig-zags imprévisibles par l'air qui s'en échappe.
19 septembre 2010
Hollywood (Californie, États-Unis), le 27 août 1974.
Vidéo éditée par GIGS.
1975, Barking Pumpkin Records.