2001, Le Village vert
La vie presque : le titre de cet album résume magistralement la poésie des doutes existentiels de Thomas Boulard, dont l'écriture soignée et inventive est peu courante dans le pop-rock. Le détail de la photo de la pochette est lui aussi particulièrement pertinent, renvoyant un bonheur d'une autre époque dont il y a tout lieu de penser qu'il n'est qu'apparence. La musique, elle, est à la fois originale, surprenante de dextérité, d'inventivité et de maîtrise, oscillant entre douceur acoustique, calme inquiétant et franches enjambées vers le rock. Entre « spleen et idéal », entre Tue-Loup (La cour des grands, Encore une fois), l'Alain Bashung de Fantaise militaire (Se taire) et un peu de Noir désir (Je n'éclaire que moi), ce formidable premier album emplit la tête d'une chanson des dedans amochés, des gorges nouées et des coeurs gros. Une chanson de lunettes noires sur regards embués. Une chanson de la nostalgie sans prévenir, qui dégringole du ciel en pluie d'arpèges cristallins et remonte du sol en éruptions chuchotées. Une chanson du murmure après que tout ait été crié. Une chanson miroir, mon beau miroir, dis-moi qui est le plus triste en ce monde. Il y a du génie, chez Luke, à nous renvoyer dans les oreilles les décibels de nos propres tristesses.
11 décembre 2021
Niort (France) le 8 août 2002.
Vidéo éditée par lesK7deTiti.
2001, Le Village vert.