1982, Mute
Devenu trio après le départ de Vince Clarke, Depeche Mode ne met guère longtemps à assombrir l'horizon léger et dansant de son premier album, Speak & Spell, dont le tube emblématique Just Can't Get Enough est aux antipodes de l'univers qu'il construira ensuite. Le nouveau préposé à l'écriture et à la composition, Martin Gore, se laisse en effet volontiers aller à des sonorités plus recherchées et à des ambiances moins guillerettes, tout en laissant ses idées suffisamment embryonnaires pour permettre à ses complices de s'en emparer. Cela dit, le deuxième album qui résulte de ces changements, A Broken Frame, a le titre un peu trompeur : en attendant la révolution, c'est à une évolution en douceur qu'il nous convie. Ainsi, la pop synthétique kitsch s'y fait toujours largement entendre (Nothing To Fear, See You, The Meaning Of Love, A Photograph Of You). Viennent toutefois s'immiscer dans cette insouciance sucrée et colorée des morceaux un peu plus graves et élaborés : chœurs de steppe et cloches inquiétantes (Leave In Silence), rythmes synthétiques lancinants et voix profonde de Dave Gahan enfin révélée (My Secret Garden, Monument), concerto pour synthés cuivres et bois (Satellite), contraste entre complainte vocale et fausse ambiance de fête foraine (Shouldn't Have Done That). À ce stade, je n'aurais quand même pas parié un kopek sur ce groupe, clopinant entre musique à la mode et escapades un peu plus osées mais pas forcément convaincantes. Si cet album inégal est un bon témoin de ces tâtonnements, il vaut surtout à mon avis pour son dernier titre, The Sun And The Rainfall, qui préfigure vraiment le virage vers cet électro-rock sombre et mélodique qui fera plus tard la singularité et le succès du groupe.
24 juin 2024
Londres (Angleterre, Royaume-Uni), le 25 octobre 1982.
Vidéo éditée par Depeche Mode (Unofficial).
1982, Mute.