2005, Saddle Creek
Conor Oberst, jeune auteur-compositeur américain, a un certain talent pour contourner deux difficultés. La première, c'est sa propre voix dont le timbre et la puissance ne sont pas à la hauteur de ses compositions (cela dit, il ne faut rien exagérer non plus : après tout, celle de Thom Yorke n'a jamais vraiment porté tort à Radiohead). Lucide, il le chante lui-même : « I could have been a famous singer, if I had someone else's voice » (Road To Joy). Qu'à cela ne tienne : un doublage par une pointure comme Emmylou Harris, et le tour est joué ! Second obstacle : les tranches de vie pas forcément gaies qu'il raconte. À la première écoute, je songeais spontanément à la bande de joyeux lurons qu'on trouve parfois au bord des routes américaines, genre Mark Kozelek, Vic Chesnutt ou Will Oldham. Mais les arrangements d'Oberst parviennent à ce petit miracle pince-sans-rire de la détresse ordinaire jouée de façon plutôt légère, parfois même entraînante et enjouée. Toujours dans Road To Joy, sorte de manifeste décidément, il complète la citation précédente par « But failure's always sounded better, let's fuck it up boys. Make some noise. » Et le bruit en question, en réalité de bonnes chansons folk-rock, n'est pas sans donner quelques frissons : la trompette d'Old Soul Song, par exemple. Alors, nouveau Bob Dylan ou Neil Young ? À vrai dire, on se fiche éperdument de ces spéculations d'une critique idolâtre. Conor Oberst est Conor Oberst, et cet album est tout simplement formidable.
13 janvier 2007
Portsmouth (Royaume-Uni), 16 novembre 2007.
2005, Saddle Creek.